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Derrière le musée des Beaux-Arts de Rouen, se dresse un autre musée, discret, établi dans une ancienne église, le musée du Secq des Tournelles… Il abrite une collection unique en Europe, consacrée à l’art de la ferronnerie, rassemblée à la fin du XIXème par deux collectionneurs, Henri Le Secq des Tournelles et son fils. Visite conseillée aux âmes romantiques et aux amateurs des arts du métal.

Histoire de la collection

Henri Le Secq des Tournelles (1818-1882), peintre et photographe, est à l’origine de cette collection qu’il commence en 1862. C’est probablement par le biais de ses missions pour la Commission des Monuments Historiques (mission héliographique de 1851, par exemple) qu’il s’est intéressé aux arts de la ferronnerie. A sa mort, sa passion va être poursuivie par son fils. Au tournant du siècle, leur collection est très réputée : elle a été présentée à la section de ferronnerie rétrospective de l’exposition de 1900, où elle a rencontré un certain succès, avant d’être exposée quelques années au Musées des Arts Décoratifs. Mais, en 1917, ce n’est pas à cette institution qu’Henri Le Secq des Tournelles décide de donner sa collection : la ville de Rouen, qui propose d’abriter les collections dans l’ancienne église Saint Laurent est l’heureuse élue !

Henri Le Secq fils fut sûrement charmé par les lieux que l’on lui proposait : un édifice gothique flamboyant de la fin du XVème siècle, désaffecté pendant la révolution et racheté à la fin du XIXème siècle par la ville de Rouen sous la pression de la jeune association des amis des monuments rouennais. Le collectionneur pu lui-même décider de la présentation des collections au sein du nouveau musée.

Si la collection a été abondamment été publiée dès l’ouverture du musée, on peut regretter la disparition des archives des collectionneurs, qui n’ont jamais été versées au musée et des inventaires, détruits pendant la guerre.

Dès 15.000 pièces qui constituent les collections du musée, 4.000 sont présentées dans l’exposition permanente. L’institution a connue une grande audience en 2007 avec l’exposition la fidèle ouverture. Le musée s’enrichit encore régulièrement de pièces exceptionnelles.

Les chefs d’œuvres du musée

Le Musée du Secq des Tournelles est d’une richesse extraordinaire, il serait impossible d’en décrire tous les trésors. A défaut, je vous propose une ballade à travers quelques unes de mes pièces préférées.

Avertissement : En raison de la richesse des collections, j’ai décidé de présenter les chefs d’œuvres du musée en deux parties : cet article,  est consacré aux œuvres présentées dans la nef. Un second volet sera consacré aux pièces de plus petites tailles (outillages, serrurerie…) présentées dans les espaces collatéraux et à l’étage, dans des vitrines.

Enseigne à l’Arbre sec, XVIIe, Fer forgé, Rouen, Musée Le Secq des Tournelles

.Les enseignes sont certainement les pièces les plus populaires du musée, qui en possède plus de 200. Les enseignes étaient une marque distinctive données aux maisons, permettant de se repérer dans les villes, avant que ne s’impose la numérotation des maisons, à la fin du XVIIIème siècle. On distingue les enseignes en applique des enseignes sur potence. En raison du danger qu’elles représentaient, ces dernières furent interdites à Paris en 1721, mais leur usage résista encore de nombreuses années. En effet, les enseignes sur potence étaient très lourdes et il était assez fréquent que des accidents arrivent les jours de grand vent !

Parmi les plus anciennes enseignes de la collection, il ne faut surtout pas rater l’enseigne à l’arbre sec, datée du début du XVIIème siècle, provenant de Paris. Il s’agit de l’enseigne d’un marchand drapier, qui a donné son nom à la rue dès le XIIIème siècle (notre exemplaire remplaçait une enseigne au même motif, plus ancienne). Ce motif évoque la légende d’un arbre qui poussait sur la tombe de Loth et qui se serait desséché à la mort du Christ. Fréquent dans l’héraldique, ce motif évoquait l’orient, ce qui explique qu’il ait souvent été pris comme emblème par des marchands de tissus (les soieries venaient d’orient). Le musée Carnavalet possède une enseigne similaire à celle-ci.

Enseigne à l’H d’or, XVIIIe, Fer forgé et repoussé, Rouen, Musée Le Secq des Tournelles

.Certaines enseignes usent (et abusent) des jeux de mots en tous genre : calembours, rébus et images sont fréquentes à une époque où l’illettrisme est encore très rependu ! Ainsi l’enseigne « A L’H d’Or » (XVIIIème siècle) dont la potence supporte une hache, annonçait une auberge. Le nom évoque l’âge d’or et laisse entendre que le client s’y trouvera bien accueilli. On appréciera le subtil décor de grappes de raisin enlacé au médaillon.

Le musée abrite également de très nombreuses grilles et clôtures en tout genre. La porte de l’église d’Ourscamp est un exemple extraordinaire de ferronnerie romane. Datée du début du XIIIème siècle, cette porte à deux vantaux ornait le chœur d’une église abbatiale picarde. On admire également de très belles impostes et défenses de fenêtres.

Porte du choeur de l’église d’Ourscamp, 1202, fer forgé, Rouen, Musée Le Secq des Tournelles

Pour ceux qui rêvent de châteaux merveilleux, l’une des pièces les plus imposantes de la collection provient du célèbre château de Bellevue, construit au XVIIIème siècle pour Madame de Pompadour à Meudon, et détruit au début du XIXème siècle. Il s’agit d’une monumentale rampe d’escalier, à décor végétal.

Au chevet de l’église, il ne faut surtout pas rater le très fin lit à colonnes italien, du XVIème siècle. Détail très pratique, il est entièrement démontable ! Je crois me souvenir qu’il s’agit d’une acquisition récente du musée (entre 2000 et 2007) mais impossible de vérifier cette information. Pour les romantiques qui verraient bien un tel chef-d’œuvre chez eux, sachez tout de même que ce lit était prévu pour loger quatre personnes…

Crèche-lanterne, Vers 1734,Fer forgé et fer façonné à froid ; verre, Rouen, Musée Le Secq des Tournelles

.La Crèche Lanterne du XVIIIème siècle est l’une des pièces les plus admirées du musée. Cette superbe pièce a été offerte en 1734 par un couple à une paroisse d’Amiens dans laquelle ils s’étaient mariés, 23 ans plus tôt. A l’origine, cette crèche lanterne n’était pas vitrée : suivant une tradition locale mentionnée depuis la fin du XIIIe siècle, on plaçait au centre de ce type d’objet, le jour de Noël, un (vrai) bébé pour le porter jusqu’à la crèche de l’église.

Ferdinand Marrou, paire de lustres, fer forgé et pâte de verre, Rouen, Musée Le Secq des Tournelles

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Enfin, il me reste à vous présenter une des dernières acquisitions du musée, une paire de lustres due à un ferronnier célèbre de la ville, Ferdinand Marrou. J’aurais l’occasion de vous parler à nouveau de ce personnage, qui est notamment connu pour les clochetons de la cathédrale et pour la devanture de sa boutique, rue Saint Romain. Cette paire de lustres, aux accents art nouveau, supporte deux très belles pates de verre dans l’esthétique de Gallé.

Pour découvrir plus de pièces des collections, je vous invite à naviguer sur le site internet du musée, qui propose des images de grande qualité et quelques commentaires d’œuvres (je me suis d’ailleurs en grande partie appuyée sur ceux-ci pour écrire cet article) !

A suivre…

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